Dany Bloch, 1983
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Jean-Pierre BOURQUIN a d'abord raconté son journal de voyage en Californie sous la
forme de péripéties reliées les unes aux autres par des images qui racontent une
histoire, la sienne. Dans une série de monotypes, les détails de la vision
se succèdent par analogie subtile ou progression décousue. Puis c'est l'arrêt brutal,
le retour vers une économie de moyens et de couleur. Sur une feuille de papier
de soie marouflée à la colle à l'amidon, les fonds vernis à l'huile ont un aspect
fendillé produit par les hachures et les pliures dues au collage; les premières séries
étaient rythmées par des trames verticales et horizontales encadrant des paysages
fugitifs ou rêvés. Dans les travaux plus récents, un seul élément se profile devant
des fonds travaillés patiemment, minutieusement d'une extraordinaire couleur bleue,
tirant parfois sur les bords vers l'infini du blanc, évoquant les décors raffinés de
certaines précieuses porcelaines chinoises. Il semble plus intéressé désormais par
le travail de la matière que par le sujet lui-même, désormais simple prétexte à une
absence évidente de sens, à une vague relation à un réel mental,
à un geste qui n'affronte que lui-même.
Au sein de l'espace coloré, un rappel d'éléments végétaux, isolés ou accumulés,
s'articule au « rien, cette écume... » dont parle MALLARMÉ. La lente maturation de
l'oeuvre, le sillage d'angoisse et le vertige du saut dans le vide, entrevus chez BOURQUIN,
donnent naissance à tout un jeu de correspondances secrètes dans leurs différences mêmes
qui tentent de « peindre non la chose, mais l'effet qu'elle produit...»